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III. Cinétique des réactions élémentaires

mise à jour : 29-01-2012


III. Cinétique des réactions élémentaires


Avant d'aborder l'étude des réactions réelles, le plus souvent composées, il est utile, pour ne pas dire indispensable, d'étudier de façon détaillée la cinétique des réactions élémentaires ou pseudo-élémentaires. Celles-ci pourraient apparaître comme des cas d'école. Mais leur étude approfondie permettra de mettre en évidence des prototypes de comportement, extrêmement utiles pour l'analyse des réactions réelles. En effet, on sera très souvent amené en pratique à se poser, à propos d'une réaction composée, des questions du type : sa cinétique est-elle plutôt d'ordre 1, ou plutôt d'ordre 2 ? est-elle réversible ou bien totale ? présente-t-elle un caractère autocatalytique ? etc. L'établissement et la proposition d'un mécanisme dépendent évidemment de la réponse à ces questions. Il est donc essentiel de savoir y répondre.

En un premier temps, nous étudierons les cinétiques des réactions "les plus élémentaires", c'est-à-dire non réversibles.

Les réactions élémentaires réversibles pourraient être classées aussi bien dans les réactions composées puisque constituées, du point de vue cinétique, de deux réactions inverses. Mais, d'une part, elles font partie des réactions élémentaires dans le sens de la réversibilité microscopique, et d'autre part, elles font apparaître des comportements typiques. C'est pourquoi nous les étudierons également dans la deuxième section de ce chapitre.

Les expressions cinétiques d'ordre 1 ou 2 pour désigner les cinétiques des réactions mono ou bimoléculaires élémentaires, respectivement, en leur appliquant une loi de vitesse de type action de masse, sont très couramment employées. Nous leur préférerons leur désignation exacte... mais que le lecteur nous excuse si, à l'occasion, des expressions si courantes nous échappent !

Il est clair que, dans ces expressions, le mot "ordre", bien que parent, n'a pas le même sens que dans la notion d'ordre, global ou partiel, courant ou initial, d'une réaction, rencontrée traditionnellement dans l'étude expérimentale de la cinétique : il s'applique ici uniquement à une réaction élémentaire et est égal à la molécularité.

Par contre, nous utiliserons l'expression cinétique d'ordre 1 ou 2 à propos de mécanisme plus ou moins complexe dont la cinétique expérimentale apparaît semblable à celle d'une réaction mono ou bimoléculaire.

Nous compléterons l'écriture des réactions en faisant figurer à sa droite la constante de vitesse (la première pour la réaction directe, et la seconde éventuellement pour la réaction inverse).

Pour l'étude de chaque réaction nous adopterons le schéma suivant :

  1. Conditions (concentrations) initiales et relations de conservation entre les différentes concentrations. La notation X0 dans les équations désigne la concentration initiale de l'espèce X.
  2. Expression des équations différentielles cinétiques
  3. Intégration de ces équations, si elle est possible
  4. Discussion des propriétés particulières

Par la suite, nous n'utiliserons guère les formes intégrées des équations cinétiques pour l'étude des réactions composées, pour la bonne raison qu'elles deviennent très vite non intégrables. Cependant, lorsqu'elles le sont, ce qui est le cas de toutes les réactions élémentaires, elles sont d'un grand intérêt car elles permettent de dégager certaines propriétés caractéristiques des courbes d'évolution des concentrations.

Enfin, nous proposerons pour chaque réaction des exercices de simulation avec le logiciel Sa, les tout premiers constituant un véritable guide d'apprentissage pas à pas.


1. Cinétiques des réactions élémentaires non réversibles


1.1. Monomoléculaire

A → B     k     (r 1)

Nous considérons une réaction monomoléculaire ou pseudo-monomoléculaire (voir : Théorie de Lindemann).



1. Conditions

La concentration initiale est A|t=0 = A0.

On suppose B0 = 0, de sorte que  

B = A0 − A

B peut représenter une seule ou deux espèces, cela ne change évidemment en rien le fait que la réaction est monomoléculaire.



2. Equation cinétique

La vitesse est

r =  kA

et l'équation différentielle s'écrit directement :

  dA/dt  (= −dB/dt)  =  −k A     (1)

La constante de vitesse est l'inverse d'un temps et s'exprime en général en s-1.




3. Forme intégrée

L'équation (1) s'intègre facilement :

A0→A  dA/A = − k 0→t  dt     (2)

ln A − ln A0 = − kt

ou

ln (A0/A) = kt

ainsi, le tracé de ln (A0/A) en fonction du temps, est une droite de pente k.

On l'exprime habituellement sous la forme :

  A = A0 e−kt     (3)

L'équation correspondante de B s'en déduit immédiatement :

B = A0 (1− e−kt)

et, si B0 n'est pas nul :

B = B0 + A0 (1− e−kt)

    



4. Discussion

Le graphe de cette fonction est l'exponentielle décroissante représentée sur la Fig. III.1.

C'est une courbe caractéristique des phénomènes "sans vieillissement", c'est-à-dire dont la probabilité de se produire reste constante. On la retrouve dans beaucoup de domaines de la physique, par exemple la charge ou la décharge d'un condensateur à travers une résistance pure, ou la désintégration radioactive.


Figure III.1 : courbe A = f(t) d'ordre 1


Fig. III.1

Courbes cinétiques d'une réaction monomoléculaire (r 1) :

A = A0 e−kt (rouge) et B = A0 (1 − e−kt) (bleu).

(A0 = 10-3 mol.L-1; B0 = 0; k = 1 s-1).

La 1ère marque correspond à A = A0 /2, t = t1/2 ; la 2e à A0 /4, t = 2 t1/2 ; la 3e à A0 / 8, t = 3 t1/2 ; etc.


La proportionnalité de la variable et de sa dérivée (eq. 1) lui confère des propriétés d'auto-similitude : la forme est identique quel que soit le point de départ. En effet, le terme d'amplitude A0 ne fait que déterminer l'échelle de variation de A, tandis que le terme e−kt, indépendant de la concentration initiale, détermine la forme : celle-ci est donc toujours la même, quel que soit le point de départ. On peut d'ailleurs tracer une exponentielle décroissante universelle adimensionnée en portant A/A0 en fonction de t (Fig. III.2).


Il s'agit d'une invariance de type 1 : l'équation cinétique (1) est invariante si l'on change la concentration A en une concentration proportionnelle qA. En effet, on a alors :

d(qA)/dt = q dA/dt = −k qA   soit l'équation (1)

On utilise parfois la durée de vie, ou constante de temps, τ = 1 / k, à la place de la constante de vitesse. La durée de vie représente le temps nécessaire pour passer de A0 à A0/e, soit à 36.79% de sa valeur.

Le temps de demi-vie, t1/2 , ou temps de demi-réaction, est le temps pour lequel la moitié de A0 a été consommé : t1/2 = (ln 2) / k = 0.693 / k. Il est quelquefois utilisé pour n'importe quelle cinétique, mais il n'a vraiment de sens que pour une réaction monomoléculaire.

Les propriétés d'auto-similitude rendent l'exponentielle décroissante très facile à reconnaître, par exemple par la méthode des t1/2 (voir Fig. III.1) :

- on mesure la valeur A1 à un temps t1 (souvent t1=0, mais ce n'est pas nécessaire)

- on repère le temps t2 correspondant à la valeur A2 = A1/2

- puis t3 correspondant à A3 = A2/2

- et ainsi de suite

si la courbe est une exponentielle décroissante, on doit avoir :

t2−t1 = t3−t2 = ... = t1/2

On peut de plus en déduire la valeur de la constante de vitesse :

k = ln 2 / t1/2      (4)

(on peut choisir évidemment un facteur de division différent, par exemple A2 = 2/3 A1, etc. en notant que t2/3 = (ln 3/2) / k = 0.405 / k et en modifiant la relation (4) en conséquence.)

On peut également mesurer la pente, p = dA/dt, à différents points A1, A2, A3, etc. quelconques, on doit avoir alors :

p1/A0 = p2/A0 = p3/A0 = ... = − k.



figure III.2 : courbe universelle d'ordre 1 : A/A0 en fonction de t/tau

Fig. III.2

Courbe cinétique universelle d'une réaction monomoléculaire en variables adimensionnelles Y = A/A0 en fonction de θ = t/τ :Y = eθ. Le point à une durée de vie (θ = 1) correspond à A/A0 = 1/e = 0.368. La courbe a été tracée jusqu'à 5 durées de vie où Y est tombé à moins de 0.007 fois sa valeur initiale. La sous-tangente en un point quelconque (projection de la tangente sur l'axe des abscisses) est constante et égale à la durée de vie.


1er exercice avec Sa

prise en main du logiciel



1.2. Bimoléculaire pure

Nous appellerons ainsi une réaction élémentaire bimoléculaire où les deux molécules qui réagissent sont identiques :

2 A → B     k     (r 2)

où B peut désigner un ou plusieurs produits.




1. Conditions

Concentrations initiales :

A|t = 0  =  A0  ;  B0  =  0

nous supposons le coefficient stœchiométrique de B égal à un, l'équation de conservation est alors :

A + 2 B  =  A0

d'où :

B  =  (A0−A) / 2

Dans le cas où B désignerait 2 produits différents, par exemple  2 A → B + C,on aurait toujours B  =  (A0−A) / 2. Par contre, s'il désignait 2 produits identiques, 2 A → 2 B , on aurait évidemment B = A0−A.




2. Equation cinétique

La vitesse est :

r  =  k A2

et, une action élémentaire consommant 2 molécules de A, l'équation différentielle s'écrit immédiatement :

  dA/dt (= − 2 dB/dt) = −2kA2     (5)

La constante de vitesse d'ordre 2, k s'exprime en général en mol−1.L.s−1.




3. Forme intégrée

L'intégration de l'équation (5) est ici encore immédiate :

A0→A  dA/A2 = − 2k 0→t  dt     (6)

1/A = 1/A0 + 2kt     (7)

L'équation (7) montre que le tracé de 1/A en fonction du temps est une droite d'ordonnée à l'origine 1/A0 et de pente 2k.

On a donc :

  A = A0 / (1 + 2A0kt)     (8)

et on en déduit facilement la concentration de B :

B = A02 kt / (1 + 2A0kt)     (9)




4. Discussion

La courbe représentative (Fig. III.3) de l'équation (8) est une hyperbole d'asymptote horizontale A = 0. La vitesse initiale, proportionnelle au carré de A0 est élevée mais décroît très rapidement. Noter que pour être dans la même échelle de temps que pour la réaction monomoléculaire, avec la même valeur de A0 (10−3 mol.L−1), la constante de vitesse de la réaction bimoléculaire doit être 103 fois plus grande.

Il en est évidemment de même pour B, mais l'asymptote horizontale (t→) de l'hyperbole représentative est cette fois située à B = A0/2.

Par comparaison avec la réaction monomoléculaire, bien que la valeur absolue de la dérivée, dA/dt, à t=0 soit 2 fois plus grande dans la réaction bimoléculaire pure (avec les paramètres choisis et à cause du coefficient stœchiométrique ; la vitesse, r0, est identique), les courbes se croisent et la vitesse devient nettement plus petite à la fin. Ainsi, il reste encore près de 10 % de A à t = 5 s, contre moins de 1 % pour la réaction monomoléculaire.

figure III.3 : courbe d'évolution de l'ordre 2 pur, comparaison avec l'ordre 1

Fig. III.3

Courbes d'évolution des concentrations de la réaction bimoléculaire pure (r 2) :

A = A0 / (1 + 2A0kt) ;  B = (A0 −A)/2 = A02 kt / (1 + 2A0kt)

(A0 = 10−3 mol L−1; B0 = 0; k = 103 mol−1 L s−1)

Pour comparaison la courbe grisée représente la réactrion monomoléculaire (même paramètres que sur la Fig. III.1)



Il est intéressant de comparer également réaction mono- et bimoléculaire par les courbes des vitesses normalisées et de l'avancement normalisé (Fig. III.4). La vitesse normalisée, ρ, est obtenue en divisant la vitesse dA/dt par sa valeur initiale, et l'avancement normalisé, χ, est égal à

χ = (A0−A) / A0.

Ainsi pour la réaction monomoléculaire on obtient :

ρ1 = (dA/dt) / (dA/dt)|t=0 = (−kA) / (−kA0) = A/A0 = 1− χ     (10)

et pour la réaction bimoléculaire pure :

ρ2 = (dA/dt) / (dA/dt)|t=0 = (−kA2) / (−kA02) = A2/A02 = (1−χ)2     (11)

ρ1 et ρ2 ne dépendent alors plus de A0 ni de k : leurs courbes représentatives sont des courbes universelles.

Les équations cinétiques des réactions bimoléculaires pures possèdent une invariance de type 2.

Pour la réaction monomoléculaire, la vitesse décroît linéairement avec l'avancement et ne s'annule donc totalement que pour χ = 1 , tandis que pour la bimoléculaire la courbe est un secteur de parabole dont le sommet (minimum) se situe à l'avancement total (χ = 1), c'est-à-dire qu'elle devient nulle en s'approchant de la fin (comparer les vitesses relatives par exemple vers χ = 0.9).



figure III.4 : comparaison des vitesses normalisées en fonction de l'avancement pour les ordres 1 et 2

Fig. III.4

Courbes représentatives des vitesses normalisées ρ1 (monomoléculaire) et ρ2 (bimoléculaire pure) en fonction de l'avancement normalisé, χ.


Sa : exercice 2
prise en main du logiciel (suite)
Réaction bimoléculaire pure r2 :
1. Forme intégrée
2. Forme différentielle


1.3. Bimoléculaire générale

A + B → C (+ D)     k     (r 3)


A) Cas où  B0 = A0

A et B se consommant à la même vitesse, on a à tout instant : B = A, de sorte que l'équation différentielle s'écrit :

dA/dt = dB/dt = −kA2      (12)

Cette équation est identique à l'équation (5) de la réaction bimoléculaire pure, au facteur 2 près. Ses propriétés sont donc semblables. Les courbes représentatives ont la même forme générale.

B) Cas général : B0 ≠ A0


1. Conditions

Les concentrations initiales sont : A0  ;  B0 

et soit  

Δ = B0−A0 

la différence entre B et A, constante puisque A et B se consomment à la même vitesse. On a donc à tout moment :

B = A + Δ

Si l'espèce limitante est A, on a : B0 > A0 (Δ > 0).



2. Equation cinétique

La vitesse est

r = kAB

d'où l'équation différentielle :

dA/dt = dB/dt = −kAB      (13)

ou, sous forme monovariable :

  dA/dt = −kA(A+Δ)      (14)

La constante de vitesse k s'exprime là encore en mol−1.L.s−1.


3. Forme intégrée

Pour intégrer l'équation (14), remarquons qu'il s'agit d'une équation quadratique sans terme constant de la forme générale que nous désignerons par (Q1) :

dy/dt  =  p y + q y 2     (Q1)     

où p et q sont des constantes.

L'intégration de cette équation entre 0 et t (y0 à y) :

y0→y dy / (py + qy2)  =  0→t dt

conduit à la forme (Q2) :

y  =  py0 / [ (p + qy0) e −pt −qy0 ]     (Q2)

complément : intégration de l'équation quadratique (Q1)

Dans le cas de l'équation (14), il suffit de faire les remplacements suivants dans (Q2) :

y = A ; y0 = A0

p = −kΔ

q = −k

et l'on obtient, après réduction :

  A = Δ / [(B0/A0) e Δkt −1]     (15)

et

B = A + Δ = Δ {1 + 1 / [(B0/A0) e Δkt −1]}     (16)

C = A0−A     (17)

Noter que ces équations sont valables aussi bien dans l'hypothèse que nous avons adoptée, B0 > A0 que dans l'hypothèse inverse, B0 < A0. Dans ce dernier cas, on a en effet  B0−A0 < 0, d'une part, et  B0/A0 < 1  d'où  (B0/A0) e Δkt −1  < 0 , d'autre part, de sorte que l'expression entière reste positive.

Par contre, elles ne sont pas valables pour A0 = B0 puisqu'elles conduisent à une forme indéterminée 0/0 : il faut utiliser alors l'équation déjà établie pour la réaction bimoléculaire pure, sans le facteur 2 :

A = A0 / (1 + A0kt)     (18)




4. Discussion

Examinons d'abord ce qui se passe à la fin d'une réaction bimoléculaire. L'équation (14) peut s'écrire sous la forme

dA/dt = −kΔA −kA2

qui montre plus clairement que lorsque A tend vers zéro (dans l'hypothèse où A est l'espèce limitante : B0 > A0), le terme du second degré devient négligeable et la cinétique tend à devenir monomoléculaire, de constante de vitesse kΔ. Il s'agit là d'une propiété générale de toutes les cinétiques comportant des termes de degré supérieur ou égal à un.

  

Contrairement à la courbe représentative de la réaction monomoléculaire, la courbe de la réaction bimoléculaire n'a pas de propriétés d'auto-similitude. On ne peut d'ailleurs pas isoler un terme d'amplitude, la forme dépend des deux concentrations initiales. On pourrait traduire cela par l'idée que chaque secteur de courbe "se souvient" des conditions initiales. Il s'agit là d'une différence fondamentale entre les deux grandes classes de réactions élémentaires que sont les réactions monomoléculaires et bimoléculaires.

Le sytème (13) des équations cinétiques des réactions bimoléculaires générales possède également une invariance de type 2 mais seulement par multiplication des deux concentrations A et B par le même facteur. Cela permet de tracer une courbe universelle, mais seulement pour un rapport A0/B0 donné. Un rapport A0/B0 différent donnera lieu à une courbe différente.

D'un point de vue pratique, cela signifie que faire varier les concentrations initiales dans le même rapport n'apportera dans ce cas aucune information supplémentaire, mis à part de vérifier l'invariance.

La Fig. III.5 montre les évolutions de la concentration de A pour des valeurs croissantes de B0. La vitesse initiale est égale à −kA0B0. Elle est donc, comme la vitesse courante, d'autant plus grande que B0 est grand. Si B0 est supérieur ou égal à A0, A décroît jusqu'à 0 (asymptote horizontale). Dans le cas contraire (courbe en rouge) sa consommation est limitée par la consommation totale de B, qui est alors l'espèce limitante (asymptote horizontale à A0−B0).


figure III.5 : évolution de A à l'ordre 2 pour différentes concentrations de B0

Fig. III.5

Courbes d'évolution de A dans une réaction bimoléculaire générale (r 3), calculées selon les équations (15) pour B0 ≠ A0 et (18) pour B0 = A0.
k = 103 mol−1.L.s−1; A0 = 10−3 mol.L−1 ; B0 comme indiqué.
La droite en tirets rouge marque la limite inférieure de A quand B est l'espèce limitante (B0 < A0). La droite en tirets noire (A = 0) est la limite quand A est l'espèce limitante (B0 ≥ A0).


Lorsque B0 est en large excès par rapport à A0, B varie peu et la vitesse devient quasi proportionnelle à A seul : l'évolution de A se rapproche donc de la cinétique monomoléculaire (Fig. III.6).

Cette situation est souvent exploitée expérimentalement dans le but de simplifier la cinétique. On dit alors qu'on se place en situation de pseudo-ordre 1 (voir ci-dessous).

figure III.6 : la courbe d'évolution de l'ordre 2 tend vers un ordre 1 quand un des réactifs est en large excès

Fig. III.6

Courbe d'évolution d'une réaction bimoléculaire générale quand un des réactifs est en large excès (10 fois ici) et comparaison avec une courbe de type monomoléculaire. Bimoléculaire : même paramètres que Fig. III.5, sauf B0. Monomoléculaire : k = 10 s−1.


Comme précédemment, il est intéressant de tracer la vitesse normalisée en fonction de l'avancement normalisé (Fig. III.7). Partant d'un large excès de B0, où la courbe (non tracée) tendrait à se confondre à celle de la réaction monomoléculaire (diagonale en tirets), elle s'en éloigne au fur et à mesure que le rapport B0/A0 décroît. Lorsque B0 = A0, on retrouve la courbe caractéristique bimoléculaire pure (Fig. III.4), c'est-à-dire une parabole dont le sommet se situe à χ = 1, où la vitesse tend vers 0.

figure III.7 : courbes vitesse normalisée / avancement pour différentes concentrations de B0

Fig. III.7

Courbes de la vitesse normalisée en fonction de l'avancement normalisé pour différentes valeurs du rapport B0/A0. Noter qu'on obtient évidemment exactement les mêmes courbes en faisant varier de manière identique le rapport inverse A0/B0.


Signalons enfin que certaines réactions bimoléculaires se comportent d'un point de vue cinétique, dans certaines conditions du moins, comme des réactions monomoléculaires.

C'est le cas par exemple lorsque l'on met une réaction bimoléculaire en situation de pseudo-ordre 1, par l'utilisation de l'un des deux réactifs, B par exemple, en grand excès : sa concentration peut alors être considérée comme constante et l'équation cinétique

dA/dt = − kAB

devient

dA/dt = − k' A

avec k' = kB ≈ cte. (exprimée en s−1)

C'est le cas également de réactions telles que

A + C → B + C     k     (r 4)

où l'un des réactifs, C, n'est pas consommé. On obtient alors une équation cinétique semblable à la précédente, avec k' = kC = cte. La réaction (r 4), qui évoque la catalyse, ne saurait évidemment pas décrire un mécanisme en général très complexe (le nombre d'ouvrages sur le sujet en témoigne).

Re-création : Le sucre qui brûle

Sa : exercice 3
Réaction bimoléculaire générale r3 :
1. Version à une seule variable
2. Version à plusieurs variables



1.4. Bimoléculaire autocatalytique

A + B → 2 B     k     (r 5)

C'est une réaction d'une importance capitale car elle est à la source de cinétiques plus ou moins complexes, aux caractéristiques souvent peu intuitives. Le produit de la réaction, B, est son propre catalyseur. Ainsi, tant que A sera en quantité suffisante, B aura tendance à accélérer la réaction, contrairement à toutes les réactions précédentes dont la vitesse décroît continuellement.

Une telle réaction ne peut pas démarrer sans la présence d'au moins une petite quantité initiale de produit B, ou d'une réaction parallèle qui en produit (A → B spontanée, par exemple). Nous nous placerons ici dans le cas où une certaine quantité de B est initialement présente.

Noter que la notation A = B, qui traduit bien le bilan de cette réaction, est loin de traduire sa cinétique.


1. Conditions

Concentrations initiales :  A0  ;  B0     

Dans la situation la plus fréquente, on a   B0 << A0, mais les équations qui suivent sont valables dans tous les cas.

Soit

S  =  A0 + B0

L'équation de conservation est

A + B  =  S

soit

B  =  S−A    (20)

Comparer avec la relation  B = B0 − A0 + A = Δ + A de la réaction bimoléculaire générale non autocatalytique.



2. Equations cinétiques

La vitesse de la réaction est, comme pour toute réaction bimoléculaire

r = k AB

A étant un simple réactif, son équation différentielle est immédiate :

dA/dt = −k AB     (21)

B est à la fois réactif et produit, de sorte qu'une action élémentaire en consomme 1 molécule mais en produit 2 :

dB/dt = −k AB + 2 k AB = k AB    (22)

Ainsi, dB/dt étant toujours positif, B, bien que réactif, augmente.

L'équation (21) peut donc s'écrire avec une seule variable :

  dA/dt = −k A(S−A)     (23)

et

dB/dt = k A(S−A)     (24)

Il s'agit toujours de réaction bimoléculaire : la constante de vitesse s'exprime en mol−1.L.s−1.



3. Forme intégrée

L'équation (23) est de la forme (Q1) avec :

p = −kS

q = k

y0 = A0

son intégration conduit à (Q2) et, après arrangement, à :

  A = S / [(B0/A0) e  Skt + 1]     (25)

S étant toujours strictement positif, elle couvre tous les cas possibles, contrairement au cas de la réaction bimoléculaire générale, où Δ pouvait être nul (cas A).



4. Discussion

L'équation (23) comportant un terme de degré 1 et un terme de degré 2, comme dans le cas bimoléculaire général, la cinétique de l'autocatalyse tend à se terminer comme une monomoléculaire.

Les courbes d'évolution autocatalytique ont une forme sigmoïde très caractéristique (Fig. III.8). Dans le cas, le plus habituel, où la concentration initiale de l'autocatalyseur, B0, est très petite, la vitesse initiale est également très faible (r0 = kA0B0) : la réaction semble ne pas avancer, c'est la période d'induction (ou de latence). Puis la vitesse augmente fortement, passe par un maximum et enfin décroît en fin de réaction (Fig. III.10).


figure III.8 : évolutions de l'autocatalyse d'odre 2 pour différentes concentrations initiales de l'autocatalyseur B

Fig. III.8

Evolution de la concentration A au cours de la réaction autocatalytique (r 5). L'évolution de B, non représentée, suit une courbe symétrique croissante.
   Pour les trois courbes : A0 = 10−3 mol.L−1 ; B0 = 10−6 mol.L−1.
   k = (rouge :) 0.5×103, (vert :) 103, (bleu :) 2×103 mol−1.L.s−1.
   La vitesse maximum (point d'inflexion) se situe à Ainflexion = (A0+B0)/2 ≈A0/2, indépendant de k, et tinflexion = ln(A0/B0)/[(A0+B0)k], inversement proportionnel à k. Elle est proportionnelle à k : rmax = k(A0+B0)2/4.

La réaction est d'autant plus rapide (période de latence plus courte et vitesse maximum plus grande) que la constante de vitesse est grande (Fig. III.8). Par contre, l'augmentation de la concentration initiale d'autocatalyseur, B0, réduit la période de latence, mais ne change pratiquement pas la vitesse maximum, tant que B0 reste petit devant A0 (Fig. III.9).

On peut tirer parti de cette propriété pour confirmer le caractère autocatalytique d'une réaction. Ayant effectué une première expérience, on la recommence en y ajoutant une petite quantité du produit de la première : s'il s'agit bien d'une réaction autocatalytique, la période d'induction doit être réduite et la courbe cinétique subir un glissement semblable à la figure III.9.


figure III.9 : évolution de l'autocatalyse d'ordre 2 pour différentes valeurs initiales de l'autocatalyseur

Fig. III.9

Effet de la concentration initiale d'autocatalyseur, B0. La vitesse initiale semble identique parce que très petite, mais elle est en réalité proportionnelle à B0. Cela se traduit par une période d'induction d'autant plus longue que B0 est petit. Par contre, la vitesse maximum n'est pratiquement pas affectée car elle est proportionnelle à S2 = (A0+B0)2 ≈A02.

Pour les trois courbes : k = 103 mol−1.L.s−1 ; A0 = 10−3 mol.L−1.


Au point d'inflexion, où la vitesse est maximum, la dérivée seconde doit s'annuler (extrêmum de la dérivée première) :

d2A/dt2 = d/dt {−k [A (S−A)]} = −k [(S−A) dA/dt −A dA/dt]     (26)      

( application de (uv)' = u'v+uv' : u = A ; v = S−A ) d'où :

d2A/dt2 = k (2A−S) dA/dt     (27)

qui s'annule pour :

A = S/2 = Ainflexion      (28)

en portant cette valeur dans l'équation (25) on obtient la valeur du temps au point d'inflexion :

tinflexion  =  ln(A0/B0) / (kS)     (29)

et en la portant dans l'équation (23), la valeur de la vitesse maximum :

rmax = −dA/dt |inflexion = kS2/4     (30)

On voit donc que tant que B0 << A0, S ≈ cte. : la vitesse maximale est pratiquement indépendante de B0 et égale à kA02 .


figure III.10 : autocatalyse d'ordre 2 : courbe de la vitesse en fonction du temps

Fig. III.10

Evolution de la vitesse.

k = 103 mol−1.L.s−1 ; A0 = 10−3 mol.L−1 ; B0 = 10−6 mol.L−1.


Pour les réactions précédentes, monomoléculaire, bimoléculaire pure ou générale, la vitesse maximum était la vitesse initiale. Ce n'est plus le cas pour la réaction autocatalytique. Nous avons choisi ici de normaliser la vitesse par la vitesse maximale (Fig. III.11), la normalisation de l'avancement étant toujours la même. Les courbes obtenues sont des secteurs de paraboles mais, contrairement aux cas précédents, à concavité vers le bas. Le sommet, où la vitesse est maximale, est pratiquement au point d'avancement 0.5, comme on l'a vu plus haut, tant que le rapport B0/A0 reste très petit, et la vitesse initiale est voisine de zéro. Il n'en est plus de même lorsque ce rapport augmente. Ainsi, pour B0/A0 = 0.5 par exemple (courbe rouge) la réaction démarre avec une vitesse initiale proche de la vitesse maximale et atteint celle-ci pour un avancement d'environ 0.25. Si l'on augmente encore ce rapport au point de l'inverser (B0/A0 = 2 ; courbe violette), alors le sommet de la parabole (vitesse maximale fictive) est déplacé dans les temps négatifs et la vitesse maximale réelle est la vitesse initiale, qui décroît monotonement ; il n'y a plus de point d'inflexion sur la courbe d'évolution de la concentration correspondante, ni de phase accélérante. C'est dire que l'évolution ne ressemble plus beaucoup à une autocatalyse. Il est remarquable toutefois que, même dans cette situation, la courbe (violette) reste au-dessus de celle de la réaction monomoléculaire. Comparer avec la Fig. III.7.


figure III.11 : autocatalyse d'ordre 2 : vitesse normalisée en fonction de l'avancement pour différentes valeurs du rapport B0/A0

Fig. III.11

Vitesse normalisée r/rmax en fonction de l'avancement normalisé, pour différentes valeurs du rapport B0/A0. La ligne en tirets représente pour comparaison la réaction monomoléculaire.


Ci-dessous :

Forme des courbes cinétiques lorsque B0 est grand (les autres paramètres sont ceux de la figure III.9). Noter qu'on a dû réduire l'échelle de temps, puisqu'il n'y a plus de période d'induction dans cette situation.

cinétiques pour B0/A0 = 0.5 et 2


Sa : exercice 4
Autocatalyse bimoléculaire r5



1.5. Trimoléculaire


Comme on l'a vu plus haut, les réactions élémentaires trimoléculaires sont peu probables, du moins en milieu homogène dilué. Cependant, on ne peut totalement les exclure. D'autre part, on est quelquefois amené à écrire des réactions trimoléculaires, pseudo élémentaires, sensées décrire correctement la cinétique d'un mécanisme en réalité plus complexe. C'est pourquoi nous donnons ici les équations correspondantes, nous bornant à une discussion succincte.

Trois cas sont à envisager :


A) trimoléculaire pure     

3 A → P     k     (r 6)

r = k A3

dA/dt  =  −3kA3     (31) 

A0→A dA/A3  =  −3k 0→t dt

 A  =  A0 / (1 + 6 A02kt)1/2     (32) 


B) trimoléculaire "bi + mono"

2 A + B  →  P     k     (r 7)

On suppose

B0 ≠ A0/2

sinon on est ramené au cas A, à un coefficient près.

B  =  B0 − A0/2 + A/2     (33)

r  =  k A2B

dA/dt  =  −2kA2B  =  −2kA2 (B0−A0/2 + A/2)

dA/dt  =  −kA2 (2B0−A0 + A)     (34) 

dB/dt  =  (dA/dt) / 2

A0→A dA/[A2(2B0 −A0 + A)]  =  −k 0→t dt     

complément : intégration trimoléculaire (B)

L'intégration de l'équation (34) ne permet pas d'aboutir à une expression explicite de la forme A = f(t), mais seulement à la forme implicite F(A) = f(t) :

(A0−A)/(A0A) + (2B0−A0)−1 ln [(B0A)/(A0B)]  =  (2B0−A0)kt     (35)

On peut remarquer toutefois que l'expression (35) est explicite en sens inverse : t = F'(A).

Nous n'avons pas remplacé B par sa valeur (33) , de façon à laisser apparaître la symétrie du terme en ln.

 


C) trimoléculaire générale

A + B + C  →  P     k     (r 8)

On suppose

A0 ≠ B0 ≠ C0

sinon on est ramené à l'un des cas précédents.

r  =  kABC

dA/dt  = dB/dt =  dC/dt = −kABC

Afin de conserver la symétrie du problème, on utilise de préférence l'avancement :

x  =  A0−A  =  B0−B  =  C0−C

d'où

dx/dt  =  −dA/dt  =  k(A0x)(B0x)(C0x)     (36) 

0→x dx / [(A0−x)(B0 −x)(C0−x)]  =  k 0→t dt

complément : intégration trimoléculaire (C)

Comme dans le cas précédent, l'intégration aboutit à la forme implicite :

 (B0−C0) ln (A/A0) + (C0−A0) ln (B/B0) + (A0−B0) ln (C/C0)
                       =  (A0−B0)(B0−C0)(C0−A0) kt     (37) 


Discussion

La Fig. III.12 montre l'évolution de A pour la réaction trimoléculaire pure (r 6), comparée à celle de la réaction bimoléculaire pure et monomoléculaire. Malgré une pente initiale supérieure (avec les paramètres choisis), la réaction devient très lente de sorte qu'à t = 5s il reste presque 20 % de réactif (bimoléculaire : ≈ 10 % ; monomoléculaire : ≈ 1 %).


évolution d'une réaction trimoléculaire pure

Fig. III.12

Evolution de la concentration, A, au cours de la réaction trimoléculaire pure (r 6)

A0 = 10−3 mol.L−1 ; k = 106 mol−2.L2.s−1

Comparaison avec les réactions monomoléculaire et bimoléculaire pure (même paramètres que Fig. III.1 et III.3 respectivement).


Le tracé de la vitesse en fonction de l'avancement normalisés (Fig. III.13) illustre plus clairement encore le ralentissement en fin de réaction. A χ = 0.9, par exemple, une réaction monomoléculaire a encore une vitesse égale à 10 % de sa vitesse initiale, une réaction bimoléculaire pure à 1 %, et une réaction trimoléculaire pure à 0.1 %.


vitesse normalisée en fonction de l'avancement normalisé, trimoléculaire pur

Fig. III.13

Vitesse normalisée (r / rinitial) en fonction de l'avancement normalisé (χ = (A0−A) / A0) pour la réaction (r 6).


Pour les cas B) et C), on obtiendrait des formes intermédiaires entre la situation monomoléculaire et trimoléculaire pur, en fonction des concentrations relatives des réactifs, de façon analogue au cas de la réaction bimoléculaire générale (voir Fig. III.7)

Sa : exercice 5
Réaction trimoléculaire r8


2. Cinétiques des réactions élémentaires réversibles


On ne peut observer la cinétique d'une réaction réversible qu'en la mettant initialement dans une situation différente de son état d'équilibre (voir Relaxation chimique, chap. VII). Pratiquement, cela peut être obtenu par exemple :

- par la mise en solution dans un solvant donné si la réaction n'a lieu qu'en solution, ou par l'ajout d'une quantité donnée d'un des composants dans une solution déjà à son équilibre.

- par un saut (rapide par rapport à l'échelle de temps de la réaction) de température ou de pression.

On supposera que cette mise en conditions initiales est instantanée et le réacteur parfaitement agité, de façon à satisfaire l'hypothèse d'homogénéité (H1).

Pour les réactions réversibles, nous prendrons des concentrations initiales non nulles pour toutes les espèces présentes, car c'est souvent le cas, du fait même de l'existence d'un équilibre initial. Partant des équations les plus générales obtenues dans ces conditions, nous discuterons éventuellement les cas particuliers où certaines concentrations initiales sont nulles.



2.1. Monomoléculaire réversible


A ⇄ B     k0, k1      (r 9)


1. Conditions

Concentrations initiales : A0, B0

Equation de conservation : B = B0 + A0 − A



2. Equations cinétiques

La réaction (r 9) est en réalité composée des deux réactions :

A → B     r0 (consommation de A)

B → A     r1 (production de A à partir de B)

avec  r0 = k0 A  et  r1 = k1 B. D'où :

dA/dt = − k0A + k1B     (38)

dA/dt = −(k0 + k1) A + k1 (A0 + B0)     (39)

A l'équilibre, les concentrations de A et B sont respectivement Ae et Be et on a r0 = r1, soit

Be / Ae = k0 / k1 = K     (40)

K étant la constante d'équilibre de la réaction (r 9). Cela se traduit également par dA/dt |e = 0, d'où :

(k0 + k1) Ae = k1 (A0 + B0)

qui permet de réécrire l'équation (39) :

dA/dt = −(k0 + k1) (A − Ae)     (41)

en posant  kobs = k0 + k1 (s−1), et en considérant l'écart à l'équilibre  E = A − Ae = Be − B, l'équation (41) s'écrit :

  dE/dt = dA/dt = −kobs E     (42)  

qui a la même forme que l'équation (1) de la réaction monomoléculaire non réversible, la constante de vitesse étant la somme des constantes de vitesse directe et inverse, et la variable l'écart à l'équilibre. Noter que E peut être positif, si A0 > Ae, ou négatif dans le cas contraire.

On obtient une équation équivalente pour B.



3. Forme intégrée

On déduit immédiatement de l'équation (42) la forme intégrée :

  E = E0 e −kobs t     (43)  

ou

A = Ae + (A0 − Ae) e−(k0+k1) t    



4. Discussion

Ainsi, il apparaît qu'une réaction monomoléculaire réversible relaxe vers l'équilibre avec une constante de vitesse égale à la somme des constantes de vitesse des réactions directe et inverse. Il s'agit d'un résultat important bien que peu intuitif à première vue. On serait tenté, en effet, de penser que la constante de vitesse "globale" d'une réaction réversible devrait être plutôt liée à la différence entre constante de vitesse directe et inverse. Ce serait oublier que la réaction directe et inverse réalisent toutes les deux une contribution positive vers l'état d'équilibre, ce dernier étant par définition l'aboutissement de leur action. Cette remarque appelle la suivante, de portée générale : la grandeur pertinente, le "moteur" pourrait-on dire, de la réaction, est l'écart à l'équilibre.

Cela est évidemment tout aussi vrai dans le cas de réactions non réversibles : l'équilibre correspondant alors à la réaction totale, l'écart à l'équilibre se mesure par les concentrations des réactifs.


La figure III.14 représente la trajectoire de la réaction dans l'espace réactionnel. Celui-ci comporte deux dimensions (A et B) et, comme pour toute réaction élémentaire, se réduit en fait à une seule dimension : la droite de conservation (C), ou, plus précisément, le segment de droite M0Me.


ordre 1 réversible dans l'espace réactionnel

Fig. III.14

Evolution de la réaction monomoléculaire réversible dans l'espace réactionnel.
Le point M0 (A0, B0) représente l'état initial. Au cours de la réaction, le point M se déplace sur la droite de conservation (C), d'équation A+B = A0+B0. A l'équilibre, on a Be = K Ae = k0/k1 Ae. Le point Me représentant l'équilibre pour les conditions initiales choisie se situe donc à l'intersection de la droite (C) et de la droite (E) d'équation B = K A. La trajectoire de la réaction est donc le segment de droite M0Me. A l'instant t, le vecteur vitesse r = ai + bj a pour composantes a = −(k0+k1)(A−Ae) et b = −a.


Puisque les équations cinétiques ont la même forme que celles de la réaction monomoléculaire non réversible, la courbe d'évolution temporelle est aussi une exponentielle décroissante et présente donc les mêmes propriétés (Fig. III.15). Cependant, la constante de vitesse apparente, kobs = k0 + k1, nécessite pour être déterminée, par exemple par la méthode de t1/2, la connaissance précise de Ae ou Be.

D'une façon tout à fait générale, il est toujours indispensable de prendre en compte la totalité d'une courbe cinétique, depuis le début de la réaction jusqu'à l'équilibre. Faute de quoi, on peut commettre de graves erreurs, aussi bien sur les constantes de vitesses que l'on estime que sur le mécanisme même de la réaction.

Connaissant expérimentalement Ae, par exemple, on peut calculer la constante d'équilibre, en effet :

Ae = k1 (A0 + B0) / (k0+k1) = (A0 + B0) / (1 + K)      (44)

La position de l'équilibre d'une réaction monomoléculaire réversible ne dépend que de la quantité totale de matière mise en jeu, A0+B0, et est proportionnelle à celle-ci.

d'où

K = k0 / k1 = (A0 + B0−Ae) / Ae     (45)

Il ne reste plus qu'à déterminer kobs à partir des courbes cinétiques, et on peut alors calculer k0 et k1 à partir de l'équation (45) et de k0 + k1 = kobs :

k0 = K kobs / (1 + K) ;     k1 = kobs / (1 + K)     (46)


évolution temporelle d'une réaction d'ordre 1 réversible

Fig. III.15

Evolution temporelle de la réaction monomoléculaire réversible.
A0 = 4.5×10−3 mol.L−1 ; B0 = 1.5×10−3 mol.L−1 ; k0 = 1 s−1 ; k1 = 0.5 s−1 d'où :
kobs = k0+k1 = 1.5 s−1 ;
K = 2 ;
Ae = k1(A0+B0)/(k0+k1) = (A0+B0)/(1+K) = 2×10−3 mol.L−1
et t1/2 = ln 2 / kobs = 0.462 s.


La durée de vie apparente τobs = 1/(k0+k1), de façon analogue à la réaction monomoléculaire non réversible, est donnée par l'intersection de la tangente au temps 0 (en A0) avec l'horizontale A = Ae.

On peut vérifier que, dans le cas particulier où B0 = 0, il est possible d'obtenir aussi τ0 = 1/k0 par l'intersection de cette tangente avec l'horizontale A = 0.


Sa : exercice 6
Réaction monomoléculaire réversible r9



2.2. Bimoléculaire réversible

A + B ⇄ C + D     k0, k1     (r 10)


1. Conditions

Concentrations initiales : A0, B0, C0, D0

Soit x l'avancement volumique :

x = A0−A = B0−B = C−C0 = D−D0     (47)

et xe l'avancement à l'équilibre :

xe = A0−Ae = B0−Be = Ce−C0 = De−D0     (48)

Nous avons vu, lors de l'étude de la réaction monomoléculaire réversible, qu'en présence d'un équilibre, la grandeur à considérer est l'écart à l'équilibre. Nous utiliserons donc la variable E :

E = A−Ae = B−Be = Ce−C = De−D = xe−x     (49)

qui varie de A0−Ae à 0 quant t passe de 0 à l'infini. Il s'en suit :

A = E + Ae  ;  B = E + Be  ;  C = Ce−E  ;  D = De−E .


2. Equations cinétiques

Les vitesses directes et inverses sont  r0 = k0 AB  et  r1 = k1 CD, respectivement, d'où :

  dA/dt = dB/dt = −dC/dt = −dD/dt = −k0 AB + k1 CD     (50)  

Et pour l'écart à l'équilibre, E :

dE/dt  =  −dx/dt = dA/dt

dE/dt  =  −k0 (E + Ae)(E + Be) + k1 (CeE)(DeE)

dE/dt  =  −k0AeBe + k1CeDe −[k0(Be+Ae) + k1(Ce+De)] E + (k1−k0E2

soit, en remarquant que le terme constant −k0AeBe + k1CeDe est nul puisque à l'équilibre  CeDe / AeBe = K = k0 / k1 :


  dE/dt = −[ k0 (Be+Ae) + k1 (Ce+De) ] E  +  (k1−k0) E2     (51)  


3. Forme intégrée

L'équation (51) est, là encore, de la forme (Q1), avec :

p  =  −[ k0 (Be+Ae) + k1 (Ce+De) ]      (toujours < 0)

q  =  k1−k0

y0  =  A0−Ae = xe

Sa forme intégrée est donc (Q2) :

  E = pxe / [ (p + qxe) e −p t − qxe ]     (52) 

Les concentrations A, B, C et D s'en déduisent par les relations (49).

Comme on devait s'y attendre, cette équation dépend seulement de 3 paramètres.

En effet, p constitue un seul paramètre, Ae, Be, Ce et De étant entièrement définis par les relations (48), en fonction des concentrations initiales, et la relation d'équilibre :

K = k0 / k1 = CeDe / AeBe

Ainsi, par exemple, Ae est solution de l'équation :

K = [(A0−Ae+ C0)(A0−Ae+ D0)] / [Ae(B0−A0 + Ae)]     (53)

simple équation du second degré, mais dont les racines ne s'expriment pas d'une façon simple. Be, Ce, De et xe se déduisent facilement ensuite.

On retrouve naturellement l'équation (15) correspondant à la réaction bimoléculaire générale non réversible, en remarquant qu'on a alors :
k1 = 0 ; Ae = 0 ; xe = A0 ; Be = B0−A0 = Δ  et à la condition Δ ≠ 0

(nous avons vu que l'équation (15) ne couvre ni le cas Δ = 0, ni le cas bimoléculaire pur non réversible).



4. Discussion

Les figures III.16, et 17 illustrent quelques situations caractéristiques de la relaxation d'une réaction bimoléculaire réversible vers son équilibre. Les concentrations initiales ont été choisies de sorte que leur somme soit identique (7 mol.L−1). Les constantes de vitesses ont été choisies telles que k0 ≥ k1 dans tous les cas, c'est-à-dire un équilibre "vers C et D". Dans la situation inverse, il suffit de permuter les couples d'espèces (A,B) et (C,D) : la discussion est évidemment identique.

Comme pour la réaction bimoléculaire générale non réversible, le système d'équations (50) présente une invariance de type 2 : si l'on multiplie toutes les concentrations initiales par un même facteur α, l'échelle de temps est divisée par α, et les courbes cinétiques ne changent pas de forme. La résolution de l'équation (53) montre que les concentrations à l'équilibre Ae, Be, Ce et De sont elles aussi multipliées par α.
L'invariance de type 2 apparaît immédiatement sur le système d'équations (50). L'équation (51), en revanche, masque un peu cette propriété, l'équation générale (Q1) en elle même n'étant pas invariante. C'est qu'en réalité, le paramètre p dépend des concentrations à l'équilibre, elles-mêmes fonctions des concentrations initiales, comme indiqué ci-dessus. Ainsi, pour rendre l'équation (51) invariante, il faut multiplier non seulement E, mais aussi Ae, Be, Ce et De par un même facteur.


évolution de l'écart à l'équilibre

Fig. III.16

Evolution de l'écart à l'équilibre E.

Paramètres communs des figures III.16, 17 et 18
k0
 / mol−1.L.s−1 
k1
 / mol−1.L.s−1 
A0
 / mol.L−1 
B0
 / mol.L−1 
C0
 / mol.L−1 
D0
 / mol.L−1 
   a   1 0.9 4×10−3 3×10−3 0 0
 b 1 0.1 4×10−3 3×10−3 0 0
 c 1 0.1 2×10−3 10−3 2×10−3 10−3
 d 1 0.1 0 0 4×10−3 3×10−3
 e 1 1 4×10−3 3×10−3 0 0

★ Comme dans le cas de la réaction bimoléculaire générale ou autocatalytique non réversibles, lorsque l'écart initial à l'équilibre est très petit, le terme en E2 de l'équation (51) devient négligeable et la cinétique tend vers une exponentielle décroissante.

Il en est de même ici lorsque k1 ≈ k0 (K ≈ 1) (courbe a), et naturellement, elle devient strictement exponentielle quand k1 = k0 (courbe e).

complément : bimoléculaire réversible K = 1

En pratique, cela signifie que si la constante d'équilibre K est très voisine de 1, ou l'écart initial à l'équilibre très petit, (voir Chap. IV - , Relaxation chimique) la courbe cinétique étant très voisine d'une exponentielle, il ne sera pas possible de déduire uniquement de celle-ci la nature réelle de la réaction. Il faudra pour cela étudier, par exemple, comment varie la constante de vitesse en fonction de la concentration initiale totale.


★ Les vitesses initiales des courbes a, b et e sont égales : k0A0B0 = 4×10−3×3×10−3 = 12

×10−6 mol.L−1.s−1. Celle de la courbe d est 10 fois plus petite : k1C0D0 = 0.1×4×10−3×3×10−3 .


★ Le signe de l'écart à l'équilibre peut être positif ou négatif. Il est donné par les conditions initiales :

signe (E) = signe (E0) = signe (k0A0B0 − k1C0D0)

Une caractéristique surprenante, à première vue du moins, de la réaction bimoléculaire réversible est que la forme de la courbe cinétique, pour un écart initial à l'équilibre important, dépend de la direction de cet écart :

1) si l'écart initial est positif (E0 > 0), autrement dit, si la relaxation a lieu dans le sens de la flèche la plus "grande" (k0 > k1), la courbe représentant la vitesse normalisée en fonction de l'avancement normalisée est sous la courbe correspondant à l'exponentielle et sa concavité est dirigée vers le haut (Fig.III.17, courbes a, b et c). Cette situation ressemble à celle de la réaction bimoléculaire générale non réversible (Fig.III.7).

2) si l'écart initial est négatif (E0 < 0), autrement dit si la relaxation a lieu dans le sens inverse de la flèche la plus "grande", la courbe précédente est au dessus de l'exponentielle et sa concavité est dirigée vers le bas (Fig.III.17, courbe d), ressemblant plutôt à la cinétique de la réaction bimoléculaire autocatalytique en présence d'une grande quantité d'autocatalyseur (Fig.III.11).

complément : Explication de la forme des courbes cinétiques en fonction du sens de la relaxation

Il est important de remarquer que ceci ne concerne que la forme de la courbe de relaxation et ne signifie pas que la réaction va plus vite lorsque E0 < 0. C'est même tout le contraire, comme le montre la comparaison des courbes b et d, Fig. III.16 : à t = 1000 s, par exemple, la courbe b est à 95 % environ de son avancement, alors que la courbe d est à 80 % environ. Cette différence est d'autant plus importante que le rapport k0/k1 est grand (pour k0 = 1mol−1.L.s−1 et k1 = 10−2mol−1.L.s−1, par exemple, ces valeurs passent à 97 % et 63 %, respectivement, à t = 2000 s avec les même jeux de concentrations initiales).


courbes vitesse / avancement normalisés

Fig. III.17

Vitesse en fonction de l'avancement, normalisés (même paramètres que Fig. III.16)

La droite e correspond à l'exponentielle (k1 = k0). La courbe a (k1≈k0) en est très proche. Les courbes b et c sont sous l'exponentielle, comme pour la réaction bimoléculaire générale non réversible (Fig. III.7). La courbe d correspondant à une relaxation en sens inverse est au-dessus de l'exponentielle, comme la réaction bimoléculaire autocatalytique, en présence d'une grande quantité d'autocatalyseur (Fig. III.11).


★ Examinons maintenant le cas particulier où tous les réactifs sont en proportions dites "stœchiométriques", soit  A0 = B0  et  C0 = D0.

On a alors en permanence :

A = B     et      C = D = C0 + A0−A

et en particulier :

Ae = Be     et     Ce = De = C0 + A0 −Ae = C0 + xe

La relation d'équilibre devient donc :

K = CeDe / AeBe = (C0 + A0−Ae)2 / Ae2

équation du second degré en Ae, qui s'écrit sous forme canonique :

(K−1) Ae2 + 2 (A0 + C0) Ae − (A0 + C0)2  =  0

dont le discriminant est 4K(A0 + C0)2 et la solution physiquement acceptable :

Ae = (A0 + C0) / (K1/2 + 1) = (A0 + C0) k11/2 / (k01/2 + k11/2)

Dans le cas particulier où les réactifs sont en proportions stœchiométriques, et seulement dans ce cas, la position de l'équilibre d'une réaction bimoléculaire réversible ne dépend que de la quantité totale de matière mise en jeu, 2(A0 + C0), et est proportionnelle à celle-ci. Elle ne dépend pas du rapport A0/C0.

C'est toujours le cas évidemment des réactions bimoléculaires réversibles pures, 2 A ⇄ 2 C. C'est également le cas si toutes les concentrations sont multipliées par un même facteur (voir invariance type 2 de ce système).

En dehors de ces cas particuliers, la position de l'équilibre dépend de la quantité totale et des proportions relatives des concentrations initiales de tous les constituants.

Il suffit de reporter cette valeur de Ae dans les paramètres de l'équation (52) pour la rendre explicite, en remarquant que p devient

p = −2 [ k0Ae + k1(A0−Ae) ] = −2 (A0 + C0) (k0k1)1/2

(même dans ce cas très particulier, l'expression obtenue n'est guère simple).

On voit ainsi que dans ce cas le terme exponentiel  e −p t demeure : l'équation ne se réduit pas à la forme hyperbolique pure rencontrée pour la réaction bimoléculaire générale, cas A (non réversible), bien qu'à première vue les deux situations se ressemblent. C'est une règle générale : les réactions réversibles défient souvent l'intuition !

Sa : exercice 7
Réaction bimoléculaire réversible r10 :
1. Etude cinétique
2. Etude à l'équilibre



2.3. Bimoléculaire contre monomoléculaire


A + B ⇄ C     k0, k1     (r 11)




1. Conditions

k0 s'exprime, par exemple, en mol−1.L.s−1, et k1 en s−1.

Concentrations initiales : A0, B0, C0

Soit x l'avancement volumique :

x = A0−A = B0−B = C−C0     (54)

et xe l'avancement à l'équilibre :

xe = A0−Ae = B0−Be = Ce−C0      (55)

Ecart à l'équilibre :

E = A−Ae = B−Be = Ce−C= xe−x     (56)

qui varie de A0−Ae à 0 quant t passe de 0 à l'infini. Il s'en suit :

A = E + Ae  ;  B = E + Be  ;  C = Ce−E  



2. Equations cinétiques

 dA/dt  =  −k0AB + k1C     (57) 

dA/dt  =  dB/dt  =  −dC/dt

d'où

dE/dt  =  −k0 (E + Ae)(E + Be) + k1 (CeE)

dE/dt  =  −k0AeBe + k1Ce −[k0 (Ae + Be) + k1]E − k0E2

soit, en remarquant que le terme constant (−k0AeBe+k1Ce) est nul puisque, à l'équilibre,  Ce / AeBe = K = k0 / k1 :

 dE/dt  =  −[k0(Ae + Be) + k1] E − k0 E2     (58) 



3. Forme intégrée

L'équation (58) est, là encore, de la forme (Q1), avec :

p  =  −[ k0 (Be+Ae) + k1]      (toujours < 0)

q  =  −k0

y0  =  A0−Ae = xe

Sa forme intégrée est donc (Q2) :

  E = pxe / [ (p + qxe) e −p t − qxe ]     (59) 

Les concentrations A, B, C et D s'en déduisent par les relations (56).



4.Discussion

Les équations (58) et (59) sont de la même forme que pour la réaction bimoléculaire réversible (r 10). L'essentiel de la discussion de celle-ci s'applique donc à la réaction bimoléculaire contre monomoléculaire.

Elles s'en distinguent par la présence "isolée" de la constante de vitesse d'ordre 1, k1, dans le paramètre p, et par son absence dans le paramètre q.

Ce système d'équations n'est pas invariant de type 2. Il est invariant par multiplication de A et B par un facteur α, de C par α2 et division du temps par α.

La relaxation tend à devenir exponentielle si k0 est très petit devant k0(Ae + Be) + k1, ou au voisinage de l'équilibre (E2 << E).

Contrairement à la réaction (r 10), l'égalité numérique k0 = k1 (K = k0/k1 = 1 mol−1.L) n'entraîne pas l'annulation du terme du second degré de l'équation (58) et la relaxation n'est pas exponentielle dans ce cas.

Cette particularité, qui peut sembler paradoxale, vient du fait que les constantes de vitesse k0 et k1 n'ont pas la même dimension. La comparaison des constantes k0 et k1 n'a guère de sens, ainsi c'est le signe de  k0A0B0−k1C0  qui détermine le signe de E0 et E.

Les figures III.19 et III.20 montrent l'évolution de l'écart à l'équilibre et les courbes de vitesse normalisée en fonction de l'avancement normalisé, dans des conditions comparables à celles utilisées pour la réaction bimoléculaire réversible (Fig. III.16). Noter que la constante de vitesse d'ordre 1, k1, a été pour cela divisée par 103, et que la concentration C0 a été divisée par 2 pour tenir compte de la stœchiométrie (il faut au total 2 molécules, une de A et une de B, pour obtenir une molécule de C).


évolution de l'écart à l'équilibre

Fig. III.19

Evolution de l'écart à l'équilibre E.

Paramètres communs des figures III.19 et 20
k0
 / mol−1.L.s−1 
k1
 / s−1 
A0
 / mol.L−1 
B0
 / mol.L−1 
C0
 / mol.L−1 
   a   1 9×10−4 4×10−3 3×10−3 0
 b 1 1×10−4 4×10−3 3×10−3 0
 d 1 1×10−4 0 0 3.5×10−3
 e 1 1×10−3 4×10−3 3×10−3 0


Comme pour la réaction bimoléculaire réversible, on observe des formes de courbes cinétiques différentes suivant le sens de la relaxation :

1) si l'écart initial est positif (E0 > 0), la relaxation est sous-exponentielle (Fig.III.17, courbes a, b et c). Cette situation ressemble à celle de la réaction bimoléculaire générale non réversible (Fig.III.7).

2) si l'écart initial est négatif (E0 < 0), la relaxation est sur-exponentielle (Fig.III.17, courbe d), ressemblant plutôt à la cinétique de la réaction bimoléculaire autocatalytique en présence d'une grande quantité d'autocatalyseur (Fig.III.11).

complément : Explication de la forme des courbes cinétiques en fonction du sens de la relaxation

Là encore, cela ne signifie pas que la réaction est plus rapide lorsque E0 < 0 (voir ci-dessus bimoléculaire réversible)


vitesse normalisée en fonction de l'avancement normalisé

Fig. III.20

Vitesse en fonction de l'avancement, normalisés (même paramètres que Fig. III.19).

La droite en tirets gris correspond à l'exponentielle. Contrairement à la figure III.17, les courbes a et e sont nettement en dessous de l'exponentielle, bien que les situations soient numériquement proches. La courbe b est sous-exponentielle, comme pour la réaction bimoléculaire générale non réversible (Fig. III.7). La courbe d correspondant à une relaxation en sens inverse est sur-exponentielle, comme la réaction bimoléculaire autocatalytique, en présence d'une grande quantité d'autocatalyseur (Fig. III.11).


Les réactions réversibles bimoléculaire (r 10) et bimoléculaire contre monomoléculaire (r 11) ont donc des comportements cinétiques très proches. Il ne sera donc pas possible de décider en faveur de l'une ou l'autre au simple examen d'une courbe cinétique, qui ne permet de déterminer que les paramètres globaux p et q. L'ambiguïté ne peut être levée que par la détermination des concentrations à l'équilibre.

Sa : exercice 8
Réaction bimoléculaire contre monomoléculaire r11