complément
L'observation de cinétiques d'ordre 1, correspondant à des réactions monomoléculaires, est en contradiction avec la théorie des collisions. En effet, celle-ci considère que l'acte réactionnel résulte d'un choc entre deux molécules, ce choc apportant à la molécule de réactif l'énergie nécessaire à sa transformation. La théorie du complexe activé, si elle est plus réaliste, ne résout pas la question.
D'autre part, il a été observé pour certaines réactions en phase gazeuse qu'elles se comportent à l'ordre 1 aux fortes pressions et à l'ordre 2 aux faibles pressions.
Pour interpréter ces observations et lever la contradiction, Lindemann a proposé le mécanisme réactionnel suivant pour une telle réaction "monomoléculaire", A → B :
A + M ⇄ A* + M k0, k1 (r 1)
A* → B k2 (r 2)
M représentant une particule quelconque du milieu réactionnel, éventuellement A lui même, et A* la molécule A activée (ou excitée).
Les équations cinétiques de cette réaction composée (en anticipant un peu) s'écrivent :
dA/dt = M (−k0A + k1A*) (a)
dA*/dt = M (k0A−k1A*) −k2A* (b)
dB/dt = k2A* (c)
A* étant très instable se désactive très rapidement et ne peut donc s'accumuler. Sa concentration reste donc très faible comparée à A et il s'ensuit que sa dérivée est également très petite : elle est donc dans un état quasi-stationnaire et on peut faire l'approximation (AEQS) :
dA*/dt ≈ 0 (d)
soit
M (k0A−k1A*) −k2A* ≈ 0
on en tire A* :
A* ≈ Mk0A / (k2 + Mk1) (e)
et en reportant cette valeur dans l'équation (a), et après réarrangement :
dA/dt ≈ −AM k0k2 / (k2 + Mk1) (f)
A forte pression, la concentration M est grande et peut être considérée comme constante. Il en résulte que la cinétique observée est d'ordre 1, bien que seule la réaction (r 2) soit réellement monomoléculaire :
dA/dt ≈ −k'A (g)
avec k' = M k0k2 / (k2 + Mk1) = cte.
A faible pression, M devient petit et on a
Mk1 << k2
il en résulte :
dA/dt ≈ −k0AM (h)
qui correspond à une réaction bimoléculaire.
Si, de plus, M n'est autre que la molécule A elle-même :
dA/dt ≈ −k0A2 (i)
qui correspond à une réaction bimoléculaire pure.
A pression intermédiaire, la cinétique présente un ordre variable entre l'ordre 1 et l'ordre 2, en fonction de celle-ci (ou pas d'ordre, simple question de langage).
La théorie de Lindemann n'est que qualitativement en accord avec l'expérience, mais elle réduit la contradiction intrinsèque aux réactions monomoléculaires et donne les bases d'interprétations plus complètes.